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CONTES DE PARIS ET DE PROVENCE

ferma son couteau et se remit au travail, tandis que la Zoun et M. Cougourdan s’éloignaient.

— Hardi, les haricots ! murmurait-il en continuant sa besogne illusoire, encore un ! un encore ! des cents !! des mille !! ! les voisins aujourd’hui ne diront pas que Pitalugue ne fait rien et qu’il a passé le temps à fainéanter sous sa courge.

Il peina ainsi jusqu’au soleil couché.

— Hé ! Pitalugue, holà ! Pitalugue, lui criaient du chemin les paysans qui rentraient par groupes à la ville.

— Tu sèmeras le restant demain.

Enfin Pitalugue se décida à quitter son champ. Avant de partir, il regarda :

— Beau travail ! murmurait-il d’un air à la fois narquois et satisfait, beau travail !

II


Peut-être voudriez-vous savoir ce qu’était Pitalugue, et pourquoi il avait adopté en fait de haricots un aussi étrange procédé de culture.

Pitalugue était philosophe, vrai philosophe de campagne, prenant le temps comme il vient et le soleil comme il se lève, arrangeant tant bien que mal, à force d’esprit, une existence chaque jour désorganisée par ses vices, et dépensant à vivre d’expédients au village plus d’efforts et d’ingéniosité que tant d’autres à faire fortune à la grande ville.

Le pire de tout, c’est que Pitalugue est joueur ; mais là, joueur comme les cartes, joueur à jouer enfant et femme.