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celle-ci puisse se prévaloir de ce que dans l’état actuel de la législation elle ne jouit d’aucun droit politique. (Conseil de préfecture, 11 août 1880 ; Conseil d’état, 8 avril 1881).

Ces décisions sont en contradiction formelle avec les principes suivants, émis dans la déclaration des Droits de l’homme :

Pour l’entretien de la force publique et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable ; elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. (Art. 13).

Chaque citoyen a le droit, par lui-même ou par ses représentants, de constater la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée. (Art. 14.)

Ainsi, d’après le Conseil d’État, lorsque l’on dit tous les citoyens doivent payer l’impôt, cela signifie : tous les hommes et toutes les femmes. Mais, lorsqu’il s’agit de contrôler, le mot citoyen change de sens et s’applique uniquement aux hommes.

N’est-ce point là une nouvelle preuve que les Droits de l’homme ne sont point ceux de tous les humains ?

Les conditions du paiement de la prestation en nature sont réglées par la loi du 21 mai 1836 :


Tout habitant, chef de famille ou d’établissement à titre de propriétaire, de régisseur, de fermier ou de colon partiaire, porté au rôle des contributions directes, pourra être appelé à fournir une prestation en nature.

Tout individu, même non porté nominativement au rôle des contributions directes, même âgé de moins de dix-huit ans ou de plus de soixante ans, même invalide, même du sexe féminin, même enfin n’habitant pas la commune, si cet individu est chef d’une famille qui habite la commune, ou si à titre de propriétaire, de régisseur, de fermier ou de colon partiaire, il est chef d’une exploitation agricole ou d’un établissement situé dans la commune, est passible de la prestation ; dans ce cas toutefois, il ne doit pas la prestation pour sa personne, mais il la doit pour tout ce qui, personne ou chose, dans la limite de la loi, dépend de l’exploitation ou de l’établissement dont il est propriétaire ou qu’il gère à quelque titre que ce soit (Art. 3.)


Donc, en vertu de ce texte, la femme, chef de famille ou chef d’exploitation, paie la prestation en nature, pour les hommes qui dépendent de son établissement : puis, conformément à la loi de 1884, ceux-ci vont se faire inscrire sur la liste électorale, tandis que la véritable contribuable, la femme qui a payé l’impôt, demeure exclue.

Cette constatation devait être faite pour mieux démontrer toutes les iniquités de notre législation.


Éligibilité. — Sont éligibles au Conseil municipal tous les électeurs de la commune et les citoyens inscrits au rôle des contributions directes ou justifiant qu’ils devaient y être inscrits au 1er janvier de l’année de l’élection, âgés de vingt-cinq ans accomplis. (Art. 31.)

Ne peuvent être conseillers municipaux : 1o les individus privés du droit électoral ; 2o ceux qui sont pourvus d’un conseil judiciaire ; 3o ceux qui sont dispensés de subvenir aux charges communales et ceux qui sont secourus par les bureaux de bienfaisance ; 4o les domestiques attachés exclusivement à la personne. (Art. 32).


On n’aperçoit en tout ceci aucune mesure d’exclusion visant les femmes. Il apparaît au contraire que le droit d’éligibilité. dépend beaucoup du paiement des impôts, de la contribution