Page:Apollinaire - Le Poète assassiné, 1916.djvu/206

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
92
LE POÈTE ASSASSINÉ

tel amant. N’est-il pas beau et n’a-t-il pas un grand talent ?

— Vous avez raison. Mais que vous avez donc un joli chapeau, une jolie robe ! Je m’intéresse beaucoup à la mode.

— Vous êtes toujours très élégant, monsieur Paponat. Donnez-moi donc l’adresse de votre tailleur, je l’indiquerai à Croniamantal.

— Inutile, il ne s’en servirait point, dit en riant Paponat. Mais dites-moi donc : que portent les femmes cette année ? J’arrive d’Italie et je ne suis pas au courant. Renseignez-moi, je vous prie.

— Cette année, dit Tristouse, la mode est bizarre et familière, elle est simple et pleine de fantaisie. Toutes les matières des différents règnes de la nature peuvent maintenant entrer dans la composition d’un costume de femme. J’ai vu une robe charmante, faite de bouchons de liège. Elle valait certainement les charmantes toilettes de soirée en toile à laver qui font fureur aux premières. Un grand couturier médite de lancer les costumes tailleur en dos de vieux livres, reliés en veau. C’est charmant. Toutes les femmes de lettres voudront en porter, et l’on pourra s’approcher d’elles et leur parler à l’oreille sous prétexte de lire les titres, Les arêtes de poisson se portent beaucoup sur les chapeaux. On voit souvent de délicieuses jeunes