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LE POÈTE ASSASSINÉ

croniamantal

N’aie aucune crainte, fillette aux bras nus.

Reste avec moi. J’ai des baisers plein les lèvres. Les voici, les voici. J’en dépose sur ton front, sur tes cheveux. Je mords tes cheveux au parfum antique. Je mords tes cheveux qui se lovent comme les vers sur le corps de la mort. Ô mort, ô mort poilue de vers. J’ai des baisers sur les lèvres. Les voici, les voici, sur tes mains, sur ton cou, sur tes yeux, sur tes yeux, sur tes yeux. J’ai des baisers plein les lèvres, les voici, les voici, brûlants comme la fièvre, appuyés pour t’ensorceler, des baisers, des baisers affolés, sur l’oreille, sur la tempe, sur la joue. Sens mes étreintes, plie sous l’effort de mon bras, sois lasse, sois lasse, sois lasse. J’ai des baisers sur les lèvres, les voici, les voici, affolés, sur ton cou, sur tes cheveux, sur ton front, sur tes yeux, sur ta bouche. Je voudrais tant t’aimer, ce jour de printemps où il n’y a plus de fleurs aux feuillards qui se préparent à fructifier.

tristouse

Laissez-moi, allez-vous-en, ceux qui s’entr’aiment sont heureux, mais je ne vous aime pas. Vous m’effrayez. Pourtant ne désespère pas, ô poète. Écoute, c’est mon meilleur proverbe : Va-t’en !