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LE POÈTE ASSASSINÉ

pet paternel, à La Napoule aux cieux d’or, le 25 août 1889, mais fut déclaré à la mairie seulement le lendemain matin.

C’était l’année de l’Exposition Universelle, et la tour Eiffel, qui venait de naître, saluait d’une belle érection la naissance héroïque de Croniamantal.

Le baron des Ygrées refit un pet qui le réveilla auprès du lit macabre où se carrait le machabée de Macarée. L’enfant criait, les sages-femmes gloussaient, le père sanglotait, en criant :

« Ah ! la Napoule aux cieux d’or, j’ai tué ma poule aux yeux d’or ! »

Puis il ondoya le nouveau-né l’appelant d’un nom qu’il inventa aussitôt et qui n’appartient à aucun saint du Paradis : Croniamantal. Il partit le jour suivant, après avoir réglé les funérailles de son épouse, écrit les lettres nécessaires pour recueillir sa succession et déclaré l’enfant sous les noms de Gaëtan-Francis-Étienne-Jack-Amélie-Alonso Des ygrées. Avec ce nourrisson dont il était le père putatif, il prit le train pour la Principauté de Monaco.