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se hâtaient, parfois courbés pour échapper aux projectiles ou fiers et défiant par des cris pleins d’insolence la force armée. Toutefois ils ne s’arrêtaient point, désireux d’éviter l’arrivée des soldats dont deux troupes venaient en sens contraire. Pour ma part, certain de ne pas leur échapper, je me préparai à mourir. À ce moment, une troupe de jeunes gens et de jeunes femmes, mis avec élégance, passa près de moi en riant. J’eus l’idée de les suivre, car ils me semblaient peu se soucier de l’émeute et même se croire à l’abri des dangers ; mais tout en riant et en plaisantant, ces débauchés, — car ils n’étaient pas autre chose, — se retournèrent et m’écartèrent à coups de canne, disant :

« Passe ton chemin, bonhomme, nous ne sommes pas de ton bord. »

Et l’une des jeunes femmes qui s’était aussi retournée, ramassa une bouteille vide qui se trouvait à ses pieds, près d’un shako et d’un soldat mort, et me la jeta avec violence en criant :