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éclats de leur voix les échos du carrefour de la Grande Chaumière. Devant un café établi dans une maison de licencieuse mémoire, ils avaient dressé, dès avant la guerre, un concurrent redoutable, le café de la Rotonde. En face, se tenaient les Boches. Ici, allaient toujours les Slaves. Les Juifs continuent à aller indifféremment dans l’un ou dans l’autre.

Les marchands de couleurs dans toutes les rues avoisinantes offrent leur multicolore tentation à tous ceux qu’un rapide coup d’œil dans les expositions d’avant-garde a fait s’écrier : Anch’io son pittore.

Esquissons avant tout la physionomie du Carrefour. Vraisemblablement, elle changera avant peu. À l’un des coins du boulevard du Montparnasse, un grand épicier étale aux yeux de tout un peuple d’artistes internationaux son nom énigmatique : Hazard. Sa marchandise est des plus variées et ses chalands sont de toutes sortes. L’Américain y trouvait avant la guerre les grapes-fruits qui sont au citron ce que le melon d’eau est au cantaloup ; le Russe y retrou-