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J’essayai d’abord de m’expliquer cette croyance en la rapportant aux autobus parisiens qui ont rendu tant de services sur le front. Mais, somme toute, mon explication était fort incomplète.

Un sapeur du Midi me raconta la même chose, en termes à peu près identiques.

Mais ce qui me frappa surtout, ce fut plus tard d’entendre un caporal d’infanterie de la région de Paris me dire avec assurance qu’il ne tarderait pas à être tué, qu’il le savait bien, ayant rêvé d’un autobus, et il me détailla les circonstances de son rêve.

« Il était minuit, me dit-il, un autobus s’en allait lourdement et vite sur une route. Il était complet et les voyageurs qui se trouvaient serrés les uns contre les autres me regardaient avec des yeux ternes qui me faisaient frissonner…

« J’étais moi-même dans un boyau où tout le régiment défilait et je pliais sous le poids d’un barda plus lourd qu’un piano à queue. Je trébuchais, m’étalais, remontais sur mes pattes pour retomber