Page:Apollinaire - La Femme assise.djvu/250

Cette page a été validée par deux contributeurs.

vante fait jeter le tison enflammé : « Jamais trois cigarettes ! »

Et le capitaine T…, d’un régiment mixte, tirailleurs et zouaves, qui en parlait un jour devant moi, ajoutait :

« On ne s’en méfie pas tant à cause de la mort qui s’ensuit. La mort, en effet, ne fait plus peur à personne. Mais surtout parce qu’on a remarqué que c’est toujours une mort bête qui survient. Cette mort par éclat d’obus dans la tranchée ou au repos à l’arrière, qui n’aurait rien d’héroïque s’il y avait quelque chose dans cette guerre qui ne fût pas héroïque. »

Parmi les petites superstitions du front, il en est une que j’ai eu l’occasion de noter dans quatre régiments différents.

Je veux parler de l’autobus de rêve.

J’en ai entendu parler la première fois par les poilus d’une batterie composée de gens du Nord. Ils m’affirmèrent que ceux qui avaient été tués à la bataille (un très petit nombre, d’ailleurs, cinq ou six) avaient, la veille ou l’avant-veille, rêvé d’un autobus.