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en rit, sauf moi-même et mon ami François V…, qui la déclara fort intéressante et ajouta qu’il était urgent de noter tout ce qui se rapportait au folklore de la guerre.

Mais, au même moment, ayant allumé une cigarette, j’avais passé l’allumette enflammée au voisin du jeune officier d’artillerie qui, se penchant vers elle, alluma, lui troisième, sa cigarette.

Je ne puis exprimer combien ce geste fit d’impression sur moi… Le lieutenant François V… fut tué le lendemain matin en accomplissant une mission, tué bêtement à sept ou huit kilomètres des lignes par un de ces obus que les Allemands tirent au hasard.

Je note cette histoire entre mille où j’ai joué un rôle ou que j’ai entendue raconter par des témoins dignes de foi.

Au reste, le témoignage a ici peu d’intérêt, et ce qu’il importe de noter c’est la superstition ou croyance (comme on voudra) qui est cause que souvent, quand trois poilus veulent allumer leur cigarette à la même allumette, l’exclamation sui-