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j’ai été témoin. Chaque fois qu’on a allumé devant moi trois cigarettes avec la même allumette, il s’en est suivi, dans un délai très bref, la mort d’un des trois fumeurs.

« Les Anglais nous ont appris, au demeurant, que cette superstition n’était pas neuve, mais qu’en temps de paix les dommages qui en résultaient n’étaient pas si graves qu’à la guerre, où, ce qui peut arriver de plus simple et de plus naturel, c’est de perdre la vie.

En ce qui me concerne, comme le lieutenant D…, je ne dirai pas : « J’y crois » ou : « Je n’y crois pas ». Mais blasé sur la mort et le sang comme peuvent l’être ceux qui ont longtemps pratiqué la zone de feu, où je fus artilleur d’abord, fantassin ensuite, je ne me souviens jamais sans émotion de la mort du sous-lieutenant d’artillerie François V…, qui était attaché à l’État-Major d’un corps d’armée.

Il m’avait invité un jour à sa popote et quelqu’un ayant parlé de cette superstition des trois cigarettes, tout le monde