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la Rose, par Guillaume de Lorris et Jean de Meung. L’édition du roman de 1807 fut donc promptement épuisée, et les exemplaires que les cabinets de lecture s’étaient partagés à l’envi, ne tardèrent pas à être bien fatigués et très maltraités en passant de mains en mains, quoique l’auteur eût mis cette épigraphe de précaution, en tête de son livre : La mère en défendra la lecture à sa fille.

« Cet auteur n’a pas toujours gardé le voile de l’anonyme, sous lequel il s’était caché en publiant son premier livre et quelques autres du même genre. Le voile est devenu d’ailleurs de plus en plus transparent, à mesure que l’auteur, encouragé par ses succès, faisait paraître, chaque année, chez le même libraire, un ou deux romans galants, qu’on qualifia depuis de licencieux et d’obscènes. Ces romans-là étaient faits dans le goût du temps, qui se permettait beaucoup de choses qu’on a blâmées, qu’on a condamnées depuis. Ce n’était plus le Directoire, l’ère de la liberté des mœurs, cette liberté qui ne connaissait ni borne ? ni obstacles et qui ne rougissait pas de devenir la licence : c’était la belle époque de l’Empire, pendant laquelle les passions les plus folles et les plus hardies ne craignaient ni censure, ni critique, ni gêne, ni tyrannie. De là le roman de Julie ou J’ai sauvé ma rose et les romans de la même famille, composés et publiés par le même auteur, la comtesse Félicité de Choiseul-Meuse.

« On ne comprend pas que des bibliographes, légers ou complaisants, aient imaginé ou accepté, pour deux de ces romans galants de premier ordre, la maternité prétendue d’une dame Guyot qui est restée absolument inconnue et qui n’aurait fait que les deux romans de Julie et d’Amélie de Saint-Far, avec la collaboration ou du moins sous la direction littéraire du fécond chansonnier-vaudevilliste, Balisson de Rougemont. Le témoignage de ce dernier aurait seul révélé l’existence de cette dame Guyot. Il est à peu près incontestable, au contraire, que la comtesse Félicité de Choiseul-Meuse serait l’auteur de Julie ou J’ai sauvé ma rose, son premier roman, qui parut en 1807 chez le libraire Léopold Collin ; puis ensuite d’Amélie de Saint-Far ou la Fatale Erreur, qui tut publié en 1808, chez le même libraire, et qui porte sur le titre : « par Mme de C*** (et non pas de G***, comme Quérard l’a dit dans la France littéraire), auteur de Julie ou J’ai sauvé ma rose. » La déclaration est formelle et semble exclure toute espèce de doute. Ce