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LES SOUPIRS DU SERVANT DE DAKAR


C’est dans la cagnat en rondins voilés d’osier
Auprès des canons gris tournés vers le nord
            Que je songe au village africain
Où l’on dansait où l’on chantait où l’on faisait l’amour
                  Et de longs discours
                        Nobles et joyeux


            Je revois mon père qui se battit
      Contre les Achantis
      Au service des Anglais
            Je revois ma sœur au rire en folie
            Aux seins durs comme des obus
                          Et je revois
      Ma mère la sorcière qui seule du village
                  Méprisait le sel
            Piler le millet dans un mortier
      Je me souviens du si délicat si inquiétant
            Fétiche dans l’arbre
      Et du double fétiche de la fécondité