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Il ne vient que la nuit quand je sommeille
Vienne le jour
Et la forêt d’or s’ensoleille
Comme l’Amour

Les nuages s’en vont courir les mondes
Quand irons-nous
Courir aussi tous deux les grèves blondes
Puis à genoux

Prier devant la vaste mer qui tremble
Quand l’oranger
Mûrit le fruit doré qui te ressemble
Et sans bouger

Écouter dans la nuit l’onde cruelle
Chanter la mort
Des matelots noyés en ribambelle
Ô Lou tout dort

J’écris tout seul à la lueur tremblante
D’un feu de bois
De temps en temps un obus se lamente
Et quelquefois

C’est le galop d’un cavalier qui passe
Sur le chemin
Parfois le cri sinistre de l’agace
Monte Ma main

Dans la nuit trace avec peine ces lignes
Adieu mon cœur
Je trace aussi mystiquement les signes
Du Grand Bonheur

Ô mon amour mystique ô Lou la vie
Nous donnera
La délectation inassouvie
On connaîtra