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XI

GUIRLANDE DE LOU


Je fume un cigare à Tarascon en humant un café

Des goumiers en manteau rouge passent près de l’hôtel des Empereurs

Le train qui m’emporta t’enguirlandait de tout mon souvenir nostalgique

Et ces roses si roses qui fleurissent tes seins
C’est mon désir joyeux comme l’aurore d’un beau matin


Une flaque d’eau trouble comme mon âme

Le train fuyait avec un bruit d’obus de 120 au terme de sa course

Et les yeux fermés je respirais les héliotropes de tes veines
Sur tes jambes qui sont un jardin plein de marbres
Héliotropes ô soupirs d’une Belgique crucifiée


Et puis tourne tes yeux ce réséda si tendre
Ils exhalent un parfum que mes yeux savent entendre
L’odeur forte et honteuse des Saintes violées
Des sept Départements où le sang a coulé


Hausse tes mains Hausse tes mains ces lys de ma fierté
Dans leur corolle s’épure toute l’impureté
Ô lys ô cloches des cathédrales qui s’écroulent au nord
Carillons des Beffrois qui sonnent à la mort
Fleurs de lys fleurs de France ô mains de mon amour
Vous fleurissez de clarté la lumière du jour