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GASTON CAMUS

bonne lumière qui calme les transes au sortir d’une nuit tragique et fait exhaler un soupir de soulagement.

Où suis-je ? Telle fut mon exclamation en constatant que mes pieds reposaient sur la terre ferme.

Parti ! Mon dragon était parti ! Où ? Comment ? Je l’ignorais. J’étais seul, maintenant, dans un lieu que mes yeux, tout pleins encore de nuit, n’arrivaient pas à définir. Mais, ils se réhabituèrent bien vite à la clarté et ma vue ayant retrouvé toute sa igueur, me montra une forêt d’une incomparable verdure, et qu’une allée partageait en deux partics. Derrière moi s’étalait, calme et bleue, une mer qui rejoignait au loin l’horizon.

C’est une île, me dis-je ! Ne serais-je point dans le royaume de la blonde Calypso, dans ce lieu charmant où Ulysse vécut de si beaux jours ?

La curiosité me poussa, non sans appréhension, dans l’allée qui s’ouvrait devant moi, droite et longue, si longue, si longue qu’au point extrême où pouvaient porter mes regards, ses deux bords se confondaient et ne faisaient plus qu’une ligne se prolongeant encore pour aboutir à l’inconnu.

Dès mes premiers pas, une tiédeur printanière m’enveloppa. De chaque côté de l’allée se dressaient, gigantesques, des arbres d’essences les plus diverses et dont le feuillage, arrondi en boule majestueuse, ne laissait voir que d’infimes parcelles du ciel. Ce feuillage, d’un vert intense, était parsemé de fleurs aux formes et aux couleurs d’une infinie variété, Il s’en dégageait un parfum extrêmement pénétrant, qui me plongeait dans un délicieux