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ANDRÉ JOUSSAIN

Comme de grands vaisseaux, sur les flots onduleux,
Eteignent tour à tour et rallument leurs feux
Dont l’horreur des nuits s’illumine,
Comme une algue phosphorescente, au fond des mers,
Navigue, lustre blême, et fend le cristal vert
Où son éclat vivant chemine,

Dans le vide effrayant voguent, esquifs perdus,
Les univers lactés, mollement suspendus.
Et les nébuleuses sans nombre.
Leur blancheur, dans l’éther, nage. Et le firmament
Est la mer transparente où flottent vaguement
Toutes ces méduses de l’ombre.



Anneaux tourbillonnants des univers en feu,
Brisez-vous et semez dans le large éther bleu
Vos fragments enflammés qui deviendront des mondes !
Lustres étincelants, multipliez vos rondes !
Niagaras de diamants, fleuves vermeils,
Faites pleuvoir aux cieux vos chutes de soleils !

Cependant que couvrant les solitudes bleues,
Vous flottez, séparés par des milliers de lieues,
Chaque astre, dans l’espace noir, comme un banni,
Se sentant seul au fond de l’abîme infini,
Flotte, poussière d’or en un désert perdue.
Partout une tristesse immense est répandue
Tant le silence est grand des gouffres éternels !
Sous les sombres plafonds glacés et solennels,
Dont la sérénité troublante nous effraie,
Des points de feu, brillant comme des yeux d’orfraie,
Semblent se regarder fixement dans la nuit.
L’horreur sacrée emplit le vide. Pas un bruit.