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Allons, lève-toi et lis ma lettre — tu te sentiras mieux sur le champ. »
Oubliant ses douleurs, notre aïeul sauta lestement de son lit.
Il passa sa veste et tant bien que mal s’approcha de la table.
Il s’assit sur le banc et mit sur son nez ses besicles.
Il prend la lettre, la lit en riant et ne sent plus ses écorchures.
Ève est là assise qui le regarde avec attention dans les yeux.
Et tout en lisant, Adam pèse mûrement ce qu’il lit.
Quand il eut fini, Adam dit à Ève : « Passe-moi la goutte ! »
Il en but un grand verre, sur le champ il alla en courant vers l’endroit

Où l’on met le bois dans le four et là il se mit à crier de toutes ses forces :

« Le Christ est né ! Le Christ est né ! L’ange nous a apporté la nouvelle. »
Puis il tira la lettre de sa poche, ôta son chapeau
Et, monté sur une bûche, il lut la lettre à tous à haute voix.
Et les gens se mirent à bourdonner comme les abeilles en été.

Ils prirent les femmes et relevant les pans de leurs habits, se mirent à danser,

Les uns le Bytchok, d’autres le Kosatchok et ceux-ci la Horlytza.
Les plus vieux, assis sous la tente, pleurent doucement de bonheur.
Le prophète David est aussi là, qui joue de la harpe,
Et il lit de son psautier un psaume à Jésus le Rédempteur.

Grégoire Skovoroda :

Chansons.

Philosophe ukrainien (1722 — 1794), élève de l’académie de Kiev et de plusieurs universités allemandes, fut ensuite professeur au collège de Charkov et écrivit des traités de philosophie et de morale. Mais il se rendit populaire surtout par ses chansons et ses fables. Dans les dernières années de sa vie, il les récitait aux populations au milieu desquelles il passait, alors qu’il menait la vie de philosophe errant, prêchant le retour aux mœurs simples et à la vie pure.

I

Chaque ville a ses mœurs et ses lois ;
Chaque tête a sa raison,
À chaque cœur son amour,
À chaque gosier son goût.

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