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La terre gronde, les rivières coulent bourbeuses, la poussière recouvre les champs, les drapeaux jasent entre eux. Les Polovetz avancent du côté du Don, et de la mer et de toutes parts, ils entourent les troupes russes. Ces enfants du malin remplirent le champ de leurs cris, et les braves Russes le barricadèrent de leurs boucliers.

Ô toi, buffle guerrier, Vsevolode ! Tu es debout dans la bataille, crachant des flèches sur l’ennemi, faisant résonner ton glaive d’acier contre les casques. Où que tu ailles, où que l’on voie étinceler ton casque d’or, des têtes païennes tombent, les casques des Avares sont brisés par ta main, Vsevolode !

*

Le temps de Troyan est passé et aussi celui de Iaroslav. Vinrent ensuite les guerres d’Oleg, Oleg fils de Sviatoslav. Du temps de cet Oleg, fils de Malheur[1], la discorde semée poussa.

Les enfants de Dagebog[2] se mouraient, pendant les guerres des ducs la vie des hommes devint courte. Alors dans le pays russe on entendait rarement chanter un laboureur, mais souvent les corbeaux croassaient en déchiquetant les cadavres et les corneilles bavardaient en volant vers leur proie. C’était au temps de ces anciennes guerres, mais on n’a jamais connu de guerre comme celle-ci.

Du matin au soir, du soir au matin, les flèches aiguisées volent, les sabres se heurtent contre les casques, les piques d’acier se rompent au milieu d’un champ inconnu, au fond de la steppe des Polovetz, Sous les sabots des chevaux la terre noire semée d’ossements fut arrosée de sang, elle fit pousser la douleur pour le pays russe.

Mais quel est ce bruit confus, quel est ce son ? Je l’ai entendu ce jour-là avant l’aube. Igor fait revenir ses troupes, il ne veut pas abandonner son frère Vsevolode. On se battit un jour, on se battit deux jours, le troisième vers midi les drapeaux d’Igor s’abaissèrent. C’est ici que les frères se séparèrent au bord de la rapide Kayala. Le vin sanglant ne suffit pas, les vaillants Russes terminèrent leur banquet[3]. Ils enivrèrent leurs hôtes et tombèrent eux mêmes pour le pays russe.

  1. Il y a un jeu de mots dans l’original : Horeslav, fils de malheur, au lieu de Sviatoslav.
  2. Dagebog — le soleil, les enfants de Dagebog, c’est le genre humain.
  3. Dans cette métaphore le vin représente le sang, le banquet le combat.
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