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Voyages

tation, & qu’il accabla néanmoins d’embrassades avec des démonstrations d’amitié qui nous surprirent infiniment.

Je demandai à Zachiel si Damon n’avoit pas le cerveau un peu attaqué ; Je ne puis, dis-je, concevoir l’extravagance de ce jeune homme : seroit-il possible que tous les lunaires pensassent aussi ridiculement ? Damon est un des hommes les plus raisonnables de cet empire, dit le génie ; le ridicule des lunaires se montre partout ; il est répandu dans leurs façons de penser, dans leurs ouvrages, dans leurs goûts, dans leurs modes ; ils ont un langage affecté, un ton arrogant, des manières libres & peu sérieuses ; ils s’embrassent à tout moment, se tutoyent, jurent, s’emportent : l’orgueil est leur vice ordinaire ; la nécessité de jouir du présent est leur maxime. Vous pouvez, mon cher Céton, les comparer à des décorations de théâtre, qui perdent toujours à être examinées de trop près : parce que leur esprit n’a aucune consistance, toutes leurs passions sont vives, impétueuses & passagères ; la vanité les exerce, l’inconstance les varie, & jamais la modération ne les soumet ; ils ne connoissent d’autre mesure que l’excès. Vous les verrez s’enivrer d’un succès médiocre, & se laisser abattre par le moindre revers ; mais leur légèreté & cet