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de Milord Céton.

mes une multitude de pauvres paysans forcés de suivre un soldat qui venait de les engager par surprise ou par autorité. Ces misérables, désespérés de quitter leurs chaumières, quoique la plupart du tems ils manquassent des choses les plus nécessaires à la vie, paroissoient dans la dernière consternation. J’en remarquai un entr’autres qui me toucha sensiblement ; je m’en approchai pour lui demander quelle raison il avoit de s’affliger ainsi de faire un métier dans lequel il trouveroit au moins de quoi subsister. Hélas ! monsieur, reprit ce jeune homme en sanglotant, l’excès de mon désespoir ne vous surprendra plus, lorsque vous serez instruit qu’on m’arrache des bras d’une mère chargée de huit enfans, dont le plus âgé qui lui reste a à peine dix ans ; depuis dix-huit mois que j’ai perdu mon père, je pouvois au moins par un travail assidu les faire subsister : ce qui fait le comble de mes maux, c’est qu’en m’arrachant de ma famille, on la prive de tout secours ; & je puis vous assurer qu’on n’en peut guère attendre de moi dans un métier que je ne connois point & pour lequel je n’ai jamais eu aucun goût ; car, monsieur, je ne sais pas seulement charger un fusil, la vue d’un sabre me fait trembler & presque tomber en foiblesse ; tous mes camarades ne sont