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de Milord Céton

maladie de langueur nous l’enleva en six mois. Nous étions encore ma sœur & moi, dans l’âge d’adolescence, & nous ne pûmes d’abord sentir la perte que nous faisions.

Un de nos proches parens fut nommé pour être notre tuteur. Ce parent, homme dur, sévère & caustique, abhorroit tous les titres pompeux, qu’il regardoit comme vains & frivoles. Attaché à la secte des quakers, il ne nommoit jamais personne que par son nom propre, sans y ajouter le titre de milord, ou quelqu’autre que ce fût ; & quoiqu’il fût lui-même un des premiers lords d’Angleterre, il ne se faisoit nommer que Jacques ; en sorte qu’on ne voyoit, dans son hôtel, que des Georges, des Guillaume, des Charles ou des Simon. Cependant malgré ses préjugés contre le cérémonial & la politesse, il ne négligea aucun des talens qui doivent servir à l’éducation des personnes de naissance.

Monime faisoit tous mes plaisirs : cette chère sœur entroit à peine dans sa quinzième année, qu’elle parut un prodige d’esprit & de beauté ; les graces & les talens étoient réunis dans sa personne ; il sembloit que la prudence eut en elle dévancé l’âge ; rien n’échappoit à sa pénétration ; mais les lumières de son esprit ne servoient qu’à lui faire mieux sentir