Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 17.djvu/232

Cette page a été validée par deux contributeurs.
207
de Milord Céton.

blement à votre ruine. Vous n’ignorez pas que vos plus belles terres sont engagées pour des sommes considérables, & ce bourgeois qui vous prêtoit à grosses usures est enfin rebuté & menace de faire saisir tous vos revenus. Monsieur Forban, reprit Specade en se dandinant sur son fauteuil, vos réflexions m’ennuient furieusement : vous faites ici un rôle de pédagogue qui me déplaît : allez exécuter mes ordres, sans vous embarrasser des suites qu’ils pourront produire.

Forban se retira sans oser répliquer. Il revint deux heures après, d’un air tartuffe, dire à son maître : monsieur, je suis désespéré ; l’argent est si rare qu’on ne veut donner de tous vos bijoux qu’une somme très-modique : les usuriers sont de vrais tyrans ; je n’ose vous dire le prix qu’ils m’offrent de vos effets : c’est une chose horrible que la mauvaise foi de ces gens-là. J’ai couru chez tous ceux de ma connoissance. Je suis excédé de fatigue, & n’ai pu faire mieux. Mais, monsieur, comment se résoudre d’abandonner soixante mille livres de bons effets pour deux mille écus ? Oh ! dit Specade, finis tes lamentations : prenons toujours : je suis engagé ce soir dans une partie de jeu. Tu sais que je perdis gros hier ; c’est une revanche qu’on me donne : si la fortune me favorise, on