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Voyage

le fils aujourd’hui, par la décadence de sa maison, se trouvoit trop heureux d’être admis à la table de celui qui s’en est rendu possesseur, quoiqu’il n’ignore pas qu’autrefois il versoit à boire à son père. Tel est dans ce monde le caprice de la fortune, qui se plaît à humilier les uns pour favoriser les autres.

Le personnage que vous allez voir, pour parvenir ce haut degré de fortune, a commencé par les plus vils emplois : d’abord laquais, ensuite prête-nom, & quelque chose encore qu’on devine aisément, & qui est d’une grande utilité à un Cillénien qui veut s’avancer dans ce monde ; enfin de basses & indignes complaisances, l’ont conduit à avoir de petits intérêts, dont il a si bien profité, qu’il est parvenu à se faire nommer un des soixante sacrificateurs du temple de la fortune. Cet homme y a acquis des biens immenses ; ce qui lui donne beaucoup de crédit parmi les grands, sur-tout envers ceux qui ont la liberté de puiser dans ses trésors. Sa table est toujours servie délicatement ; il distribue des emplois, & fait obtenir des graces ; c’est ce qui fait que tout le monde s’empresse à rechercher sa connoissance : on oublie ce qu’il a été, pour tâcher d’avoir part à son opulence. Il est vrai qu’il faut ramper devant lui : il s’imagine qu’on a perdu de vue