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de Robinson Crusoé.

mon entreprise tout de bon, je préparai deux mousquets & mon fusil de chasse ; je chargeai chacun des premiers de ferrailles, & de quatre ou cinq balles de pistolet ; & l’autre, d’une poignée de la plus grosse dragée : je laissai couler aussi quatre balles dans chaque pistolet, & dans cette posture, fourni de munitions pour une seconde & troisième décharge, je me préparai au combat.

Dans cette résolution je ne manquai pas de me trouver tous les matins au haut de la colline, éloigné de mon château d’un peu plus d’une lieue ; mais je fus plus de deux mois en sentinelle de cette manière, sans faire la moindre découverte, & sans voir la moindre barque, non-seulement près du rivage, mais même dans tout l’océan ; autant que ma vue, aidée par mes lunettes, pouvoit s’étendre.

Pendant tout ce tems-là, mon dessein subsistoit dans toute sa vigueur, & je continuai à être dans toute la disposition nécessaire pour massacrer une trentaine de ces sauvages, pour un crime dans lequel je n’étois intéressé que par la chaleur d’un faux zèle animé par la coutume inhumaine de ces barbares. Il ne me venoit pas seulement dans l’esprit, que la providence, dans sa direction infiniment sage, avoit souffert que ces pauvres gens n’eussent pas d’autre guide pour leur conduite, que leurs propres passions corrompues, & que