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de Robinson Crusoé.


SECONDE PARTIE.


Je menois alors une vie beaucoup plus belle en elle-même, que je n’avois fait au commencement ; & cet accommodement avoit une influence égale sur l’esprit & sur le corps. Souvent lorsque j’étois assis pour prendre mon repas, je rendois mes très-humbles actions de graces à la divine providence, & je l’admirois en même tems de m’avoir ainsi dressé une table au milieu du désert. J’appris à donner plus d’attention au bon côté de ma condition qu’au mauvais ; à considérer ce dont je jouissois, plutôt que ce dont je manquois, & à trouver quelquefois dans cette méthode une source de consolations secrettes, dont je ne puis exprimer la forces par mes foibles paroles. C’est ce que j’ai été bien aise de remarquer ici, afin d’en graver l’image dans la mémoire de certaines gens qui, toujours mécontens, n’ont point de goût pour savourer les biens que Dieu leur a accordés, parce qu’ils tournent leurs desirs vers des choses qu’il ne leur a pas départies. Enfin il me paroissoit que les déplaisirs qui nous rongent au sujet de ce que nous n’avons pas, émanent tous du défaut de reconnoissance pour ce que nous avons.