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Préface.

savait très-mal le français (et ce dernier point ne sera pas contesté), comment expliquer l’inégalité d’ignorance de l’auteur ? Comment se fait-il que certains vers seulement soient de tout point inadmissibles, tandis que d’autres en bien plus grand nombre se laissent assez aisément réduire et ramener aux habitudes. de notre langage ? C’est que ceux-là qui sont à refaire en entier ont été refaits entièrement. C’est que les autres, dont on peut tirer parti, n’ont été que plus ou moins endommagés. Voilà la réponse, dans mon hypothèse. En trouverait-on une aussi simple si l’on supposait le contraire ?

Quelques exemples que je donnerai ci-après me feront mieux comprendre et montreront en même temps de quelles lumières je me suis éclairé dans la voie un peu obscure où l’on me reprochera peut-être d’avoir mis les pieds. Je dis peut-être ; c’est sûrement que je devrais dire ; car déjà j’ai entendu cette objection : « Ce n’est pas tout que de se proposer un but, même utile, il faut encore pouvoir l’atteindre, et comment l’espérer en pareil cas ? Par quelle méthode y arriver ? l’arbitraire est le seul chemin qui y conduise ; et ne craignez-vous pas d’en avoir la preuve accablante le jour où l’on découvrirait l’original français de votre poëme ? »

J’ai paré ce dernier coup tout à l’heure en rappelant que divers manuscrits d’un même poëme offrent toujours entre eux des différences qui parfois sont assez sensibles. Je ne saurais donc être mortellement atteint par la découverte dont je suis menacé. J’ose même espérer que je n’en recevrais pas de blessures trop profondes,