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V
préface

Non, la haine du français s’est développée dans l’Ontario et l’Ouest avec l’émigration croissante des Îles britanniques et particulièrement du nord de l’Irlande et du Sud de l’Écosse. Ces foyers pestilentiels de l’orangisme et, pis encore, de ce puritanisme hypocrite et sectaire, dont Walter Scott a peint les immortels prototypes : Argyle, Balfour of Burleigh, Tom Trumbull, Andrew Fairservice, etc.

C’est, du reste, le même esprit, transplanté en Angleterre, puis en Amérique avec les Pilgrim Fathers, qui a donné naissance au Bostonnisme. Par où l’on voit que ma thèse rejoint celle de l’auteur. Il voit dans le bochisme ontarien l’héritier direct, le propre fils du bostonnisme. Je remonte plus loin et, tout en les séparant, je les rattache tous deux à la même origine : le fanatisme anglo-écossais, anti-papiste, dont le foyer, quoi qu’on en dise, reste dans les Îles britanniques.

La distinction a son importance, à cause des conclusions. L’auteur semble croire que les Canadiens-français trouveront leur suprême refuge dans la séparation de la province de Québec et du Canada-anglais ; car, alors, dit-il, « la langue française… pourrait se retrancher dans le Québec, à l’ombre du drapeau britannique. » C’est là, à mon avis, une illusion dangereuse.

Sans doute les hommes d’État anglais préféreraient voir régner l’accord entre les races, au Canada. Les plus civilisés parmi les Anglais contemporains haussent les épaules, lorsqu’ils entendent d’une oreille distraite, le récit des persécutions bêtes dont les minorités franco-canadiennes sont les victimes. Mais on peut être assuré d’une chose : c’est que l’Angleterre n’encourra jamais le moindre risque ni le plus léger ennui pour protéger les Canadiens-français contre les Anglo-Canadiens, — pas plus que pour protéger le Canada contre les États-Unis. Tant que le Canada tout entier voudra rester attaché à l’Empire, l’Angleterre le gardera volontiers, pourvu qu’il lui fournisse tout plein de chair à canon, de subsides de guerre et de bons placements. Mais que la majorité anglo-canadienne fasse mine de se détacher, ou de marchander ses faveurs à la mère-patrie, et l’Angleterre ne demandera qu’à se débarrasser du Canada tout entier. Elle gardera tout ou rien. Elle a failli dix fois lâcher ses nationaux pour ne pas les défendre contre les Yankees. Elle ne se mettra