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son père, auquel elle n’avait pas encore révélé la triste vérité. Le marchand y consentit volontiers et accompagna même Tcheng-Y.

— Mon père, dit celle-ci à l’aveugle, il faut que je vous quitte.

— Me quitter ma fille, et où veux-tu aller ?

— Mon père, je vous ai trompé l’autre jour. Ce n’est pas ma liberté, c’est ma vie que j’ai donnée en échange des trois cents sacs de riz que vous deviez au disciple. Oui, je me suis vendue, corps et âme, et je dois aller au fond de la mer Jaune prier les dieux d’accorder une traversée favorable aux navigateurs.

Tcheng-Y avait tendrement enlacé son père pour lui faire ce fatal aveu. Néanmoins, l’aveugle ne put supporter cette secousse, et tomba évanoui.

Quand il fut un peu revenu à lui, il dit d’une voix qu’on entendait à peine : « Malheureuse enfant, est-il bien vrai que tu veuilles aussi m’abandonner ? Faudra-t-il qu’après avoir vu mourir ta mère, je te voie disparaître de la terre avant moi ? Dis-moi, que ce n’est pas vrai, ma fille ! Dis-moi que c’est