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Tcheng-Y fit avancer plus près d’elle le vieillard et lui dit :

— Pourquoi es-tu en révolte contre le monde, la religion, le gouvernement ?

— Parce que le monde, la religion, le gouvernement, m’ont causé des maux sans nombre. J’ai été puissant : on m’a exilé. J’avais la meilleure des femmes : je l’ai perdue. Je suis devenu aveugle, et ma dernière consolation, mon unique enfant, ma fille, m’a été ravie. Elle a donné le plus bel exemple de piété filiale, en sacrifiant sa vie sur la promesse que je cesserais d’être aveugle. La malheureuse est morte ; mais je suis toujours privé de la lumière du jour.

Ces paroles avaient causé une émotion extraordinaire à Tcheng-Y. Dans ce vieillard sordide, elle avait reconnu son père. Un cri s’échappa de sa bouche :

— Connaissez-vous Tcheng-Y ?

— Ma fille, répondit Sùn-Hyen ; et subitement ses yeux s’ouvrirent et ce qu’il vit d’abord, ce fut son enfant qu’il croyait à jamais perdue.