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comme une rose, on eût dit qu’elle s’en allait à l’hymen, et non pas à la mort.

Les marchands avaient dressé une grande table au milieu du pont. C’était la table du sacrifice, tendue de blanc. Au milieu un brûle-parfums laissait s’échapper les volutes bleues de la myrrhe ; à chaque extrémité de la table brûlait un cierge, dont la brise faisait vaciller la flamme.

La jeune fille fut placée entre les deux cierges, en face du brûle-parfums. Les marchands s’agenouillèrent et se mirent à prier. Tcheng-Y aussi élevait son âme au ciel. Non pas qu’elle regrettât pour elle-même de quitter la vie. Sa dernière pensée était pour son père qu’elle laissait seul sur terre.

Les prières terminées, la jeune fille, sans manifester la moindre émotion, se jeta résolument à la mer. Tandis que le bateau s’éloignait, Tcheng-Y, qui s’attendait à mourir en quelques secondes, s’aperçut avec stupéfaction qu’elle restait à la surface de l’eau. Dans sa chûte, elle avait rencontré un obstacle, et cet obstacle n’était autre