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xv
la mort aymeri de narbonne

Fors Sajetaires et Noirons ensement.
Onqes n’i ot .i. seul grain de froment :
D’espices vivent et d’odour de pieument...

(Éd. Guessard et Montaiglon, p. 171-172.)


On peut rapprocher ce texte du suivant tiré, du Roman d’Alexandre.

Ains i conversent tigre et lupart et lyon,
Saytaire cornut et li escorpion....

(Éd. Michelant, p. 259, 260.)

Dans le roman inédit de Charles-le-Chauve (B. N. fr. 24372), un sagittaire habite au milieu d’une forêt et poursuit les hommes, qu’il enferme dans son château pour les manger ensuite ; il est tué par le héros du roman, Dieudonné, qui délivre ses prisonniers. Mais rien n’indique que l’auteur de ce roman ait voulu lui prêter les formes monstrueuses du centaure ; c’est seulement un géant ou un ogre, comme on en voit tant dans les romans de ce genre, et rien dans le récit si détaillé du combat de Dieudonné contre lui ne fait supposer que le poète ait voulu en faire un être à forme monstrueuse.

C’est donc à quelque poème plus ancien, que notre trouvère doit l’idée des Sagittaires et probablement au roman de Troie : ce n’était pas la première fois d’ailleurs qu’on prêtait dans les chansons de geste des formes monstrueuses aux peuples sarrazins, adversaires des Français, et la chanson de Rollant en présente déjà un exemple. Mais le rôle important que ces monstres jouent dans notre chanson, n’est qu’un procédé d’un trouvère épique de la dernière époque, qui cherchait l’originalité et la nouveauté.