Page:Anonyme - Elie de Saint Gilles.djvu/26

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
xxii
élie de saint gille

de Garnimas (v. 1070-1082). Il mentionne plus loin (v. 1793-1796) une légende de la femme de Salomon qui est fort ancienne, et sur laquelle M. G. Paris a donné quelques éclaircissements[1]. Autre part, c’est l’épopée bretonne dont il met en jeu les héros : le roi Arthur, Gauvain et Mordret ; enfin, au v. 2383, il place dans la bouche de Charles-Martel un dicton, bien connu d’ailleurs[2], mais qui ne se retrouve ni dans Garin le Loherain ni dans Girart de Roussillon, les deux seuls poèmes qui fassent mention de Charles-Martel.

Tous ces souvenirs ne permettent guère de supposer un élément historique dans la chanson d’Élie ; je suis toutefois disposé à faire une certaine place à la réalité historique en considérant comme des Normands les Sarrasins dont il est question en maint endroit du poème. On a vu, aux vers 179-180, qu’Élie avait quitté Saint-Gilles et avait marché tout le jour sans boire ni manger. Au v. 1050, nous retrouvons Élie qui, depuis trois jours, n’a rien mangé. Il est évident pour moi que, dans la version primitive, les trois jours dataient du départ de Saint-Gilles ; et il me semble facile d’expliquer les nombreux combats d’Élie et son lointain voyage en terre païenne, en supposant que le héros de la chanson a eu affaire, non pas à des Sarrasins, mais à des envahisseurs normands. On sait, en effet, que, du ixe au xe siècle, les Normands ont

  1. Romania, t. IX, p. 436-438.
  2. Leroux de Liney, dans son Livre des proverbes français (t. II, p. 355), cite deux exemples de ce proverbe, l’un emprunté à la Chanson des Saisnes, de Bodel, l’autre au roman de Parise la duchesse ; voy. aussi le glossaire de Gachet, p. 777.