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la saga d’élie

morts couvrent de vastes plaines ; le sang coule en ruisseaux, les hommes sont renversés, les corps sont recouverts, les chevaux courent en hennissant avec leurs selles ; on pouvait là se procurer au plus bas prix les destriers de guerre même les plus richement harnachés. Sire Guillaume et ses quatre compagnons cherchent à rejoindre ce chevalier, et pensent reconnaître Élie. Ils chevauchent alors à travers l’armée des païens et en jettent bas cinq cents en peu de temps ; et l’un était plus fort et plus félon que l’autre.

Le roi Ruben le gros voit alors ce merveilleux chevalier, et il croit savoir que c’est lui qui a tué son frère, le roi Jubien à la barbe blanche, lui aussi qui malgré cela doit avoir en son pouvoir Rosamonde, la fille du roi, la belle jeune fille. Il lui semble très bon de le rencontrer pour venger son frère et pour conquérir sa fiancée. Il crie alors à haute voix et[1] ordonne à ses gens de laisser le champ libre ; et cela fut fait. Le roi Ruben chevauche en avant et avec lui les quatre rois qui ont été nommés plus haut. Élie et sire Guillaume voient cela et vont au devant d’eux ; les dix héros se rencontrent ; l’attaque est furieuse et le choc violent. Élie a pour adversaire Ruben ; Guillaume combat contre Maskalbert ; Ernaud contre le roi Galibert ; Bernard contre le roi Drouin ; Bertran[2] contre le roi Faliber le vieux.

Je veux d’abord parler du combat entre Élie et le roi Ruben. Ils lancent leurs chevaux de toute leur vitesse l’un contre l’autre, et se frappent l’un l’autre de leur lance, et ils se renversent mutuellement de cheval, car tout le harnachement ne leur servit pas plus qu’une feuille verte. Les voilà tous deux à pied, et ils se frappent de leurs épées. Élie frappe le roi Ruben, et coupe son écu en deux jusqu’au bas. Le roi Ruben attaque Élie à coup d’épée et lui entame son écu jusqu’à la poignée. Ils s’assail-

  1. Fin de la lacune de B.
  2. Mss. Berard.