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la saga d’élie

blement et noblement apprêtée ; et tout le reste de l’arrangement du lit était si excellent que le plus noble prince[1] de ce monde pouvait s’y reposer délicieusement. La jeune fille alors tira de sa réserve quatre herbes si puissantes que Dieu ne fit jamais homme ou créature vivante qui, goûtant ces herbes et les sentant descendre du cou à la poitrine, ne se trouve aussitôt aussi bien portant que le poisson dans l’eau. La courtoise jeune fille pila de ses propres mains les herbes et les donna à boire à Élie, le brave et fort chevalier. Quand il eut bu, et que la potion lui descendit dans la poitrine, il se sentit aussitôt guéri, et appela Galopin et lui dit : « C’est le paradis et la splendeur céleste ! nous y sommes entrés. Jamais je ne veux partir d’ici, si j’ai toujours pareilles délices »

(XXXVIII)

Rosamonde la courtoise, la belle et la renommée, la rayonnante et la bien prisée, aimait beaucoup le fameux et noble comte Élie, d’un amour ardent et profond. Elle lui prépara elle-même la potion. Quand il eut bu et que le breuvage l’eut bien remis, il revint complètement à la santé et demanda à manger ; et aussitôt un repas fut apprêté, comme il pouvait le désirer ; puis un bain fut préparé et il entra dedans. Au sortir du bain, il resta quelque temps sur le lit, puis on lui apporta des vêtements. Jamais duc ou prince ne revêtit de plus riches habillements. La jeune fille s’assit alors auprès de lui ; et il la prit sur son giron et l’embrassa plus de cent fois. « Galopin, » dit Élie, « vois quelle femme elle est ! dans tout le royaume du roi de France on n’en trouve pas une seconde semblable. Et maintenant plût à Dieu, qui règne sur tout et demeure au ciel, que j’eusse ici avec moi dans ce château Agamor et Bernart, et Gamart et Aïmart le fort et Berhart, braves chevaliers ![2] » Avant d’a-

  1. C B empereur ; D roi ou empereur.
  2. Les noms des héros changent dans B : Agamor et Bernart, Gaimar et Arnaut l’homme fort ; C : Guillaume et Bernart, Arnaut et Bertran ; D : Guillaume