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la saga d’élie

plutôt tuer que de vous abandonner ainsi malheureux et sans soins. »

(XXXVI)

Quand la nuit fut passée et que le jour parut, les païens sautèrent sur leurs chevaux, les maudits fils de chiens ; et les voilà qui menacent Élie, voulant le prendre pour le mutiler ou le tuer. Mais Rosamonde s’était levée de bonne heure[1] ; elle entendit chanter aux petits oiseaux leur douce chanson qui salue le jour, et elle pensa aussitôt à la douceur de l’amour, et elle dit : « Ô Mahon, mon seigneur magnifique, tu es si fort et si puissant que tu fais pousser à l’arbre ses feuilles, ses fleurs et ses fruits : délivre mon Franc des mains des méchants princes païens, qu’ils ne le tuent ni ne le blessent ! » Quand elle eut parlé ainsi, elle regarda en bas au pied de la tour, dans la prairie, et vit Élie qui gisait dans le verger sous la tour. Pendant ce temps les Francs qui étaient en prison plaignaient et déploraient sans cesse le triste sort d’Élie. Entendant leurs paroles de compassion, Galopin alla dans leur direction et écouta attentivement, et ensuite prit Élie, le mit sur son dos et voulut l’emporter avec lui. La jeune fille alors lui dit de la tour : « Ami, petit compagnon, dépose le bon chevalier que tu portes sur ton dos ; si tu l’emportes plus loin, ce sera folie, car devant toi se tiennent trente païens, et il n’en est pas un d’entre eux qui n’ait hache ou lance, bâton ou pierre ; et ils sont postés là depuis hier soir, et toute la nuit ils vous ont gardés pour vous empêcher de fuir, car tel est l’ordre qu’ils avaient.

« Bon ami, » dit-elle, « petit compagnon, écoute mon conseil et suis-le. Dépose-le doucement de ton dos : je le recevrai et apprendrai ses aventures ; jamais je ne fus l’amie de ceux qui l’ont traité ainsi. »

(XXXVII)

Elle sortit alors de sa chambre à coucher, et ne prit

  1. C B ajoutent : et monta sur le balcon.