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la saga d’élie

dans l’armée ennemie, Malpriant n’ose même pas entrer en conversation avec lui ! » Quand la jeune fille entendit son père louer de la sorte le brave héros, tout son cœur soudainement se prit d’amour pour lui, de sorte qu’elle ne put rien répondre ni demander la permission de sortir, mais elle alla se prosterner devant ses dieux et les pria de tout cœur de garder ce noble héros de honte et de mort.

Il faut parler d’Élie qui chevauchait le long du rivage, et implora la bonté divine et dit : « Seigneur Dieu, roi doux et puissant, conduis-moi en tel lieu et en telle herberge que je puisse m’y restaurer, car depuis longtemps je souffre du manque de vivres. Voici cinq jours passés que je n’ai mangé, et ma vigueur et mes forces s’épuisent. » Il descendit alors la colline, et, arrivé dans la plaine, il vit dans un bois, assis à l’ombre d’un grand arbre, trois larrons, et ils avaient là beaucoup d’argent qu’ils avaient pris et volé, ainsi qu’un grand coffre rempli d’or fin de maint pays. Ils s’étaient donné là rendez-vous et tenaient conseil, et ils avaient apporté leur repas somptueusement préparé : deux paons et un cygne avec une bonne sauce au poivre, et un grand pot rempli de vin et de bière mêlés et deux grands pains de froment. Quand Élie vit qu’ils se disposaient à manger, et que le repas était prêt et qu’ils s’offraient entre eux le pain, le vin et la viande, il fut pris d’un si pressant désir de manger qu’il ne put, sous aucune condition, se retenir plus longtemps. Il descendit doucement de son cheval, et sans demander ni eau ni serviette, il s’attabla aussitôt auprès d’eux sur l’herbe, et les trois larrons ne pouvaient pas couper aussi vite qu’il mangeait lui seul ; et le chef des larrons lui dit : « Tu es bien osé, avide glouton, de t’asseoir à notre repas et de ne pas nous en demander la permission ! Jamais il n’y eut main d’homme qui ait si bien appris à vider les écuelles ; mais tu le paieras cher avant de nous quitter. Ce cheval que tu as amené ici, tu nous le don-