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la saga d’élie

« Je jure par mon chef, » dit le roi Macabré, « que celui-là est fou qui le sert et croit en lui ; car son pouvoir est tout à fait miné et ne vaut rien, et ce n’est que tromperie et folie ! Il a laissé échapper le Franc qui l’avait insulté et avait tué ses fidèles. Je suis vraiment plein de douleur et de honte de l’avoir fait délier, car il s’est enfui. »

(XXVIII)

Lorsque le roi eut parlé ainsi, tous reconnurent qu’il disait la vérité, et quittèrent leurs vaisseaux. Le roi appela alors à lui sept cents chevaliers ; et il y avait là Jossé d’Alexandrie et Hector et Gontier[1] : « Vous allez vous rendre au gué de Dalbier et attendre le Franc, qui s’est échappé et nous a joués.

(XXVII fin)

« Si Mahomet le fait revenir, il aura bien agi dans son intérêt, et si le bon Mahomet se conduit si bien, je lui donnerai quatre cent mille marcs d’or pur ; et je referai sa tête et ses épaules, ses mains et ses doigts et ses mollets, ses chevilles et la plante de ses pieds, plus grands de moitié qu’ils n’ont jamais été ; je le ferai refaire tout neuf et de fin travail. »

(XXIX)

Maintenant les païens sont tous sortis de leurs vaisseaux, et le roi est allé chez lui dans son bon château de Sobrie. Toute sa famille vint au-devant de lui, sa femme et son fils et la brillante Rosamonde, sa fille ; et elle dit aussitôt à son père : « Vous m’avez promis, à votre retour de France, de ramener pour moi[2] de France un pauvre prisonnier, pour m’apprendre la langue welche. » « Par ma foi, belle fille, » dit Macabré, « j’en avais un comme tu le veux, auprès de moi ; jamais, depuis que Mahon a créé le monde, il n’en est venu de tel en ce royaume. Il a vaincu Malpriant, ton fiancé, et a fait tomber cet orgueil et cette fierté qu’il croyait pouvoir avoir pour l’amour de toi, si bien que, quel que soit le nombre des hommes en campagne, si ce Franc est

  1. Mss. Hercol et Guiver ; cf. p. 132.
  2. Ici se termine la lacune d’A.