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la saga d’élie

et tout ce que tu portes avec toi. » « Ami, » dit Élie, « tu as parlé comme un enfant. Avant de me prendre mon écu, la brogne, le heaume et l’épée, tu éprouveras si grand déconfort que jamais depuis ta naissance tu n’en as supporté aussi grand. »

(VIII)

« Ami, » dit Élie, « tu m’as demandé quelle est ma famille et quel homme je suis. As-tu vu, » dit il, « ce grand parc près de la prairie où vous êtes passés ? Je suis le fils d’un prévôt de ce territoire ; mon père est riche en terres et en argent, et il m’a acheté aujourd’hui un équipement de chevalier et m’a donné des armes, et je suis venu jusqu’ici pour m’amuser et essayer mon cheval. Je sais maintenant, par une preuve réelle, que mon cheval est très rapide et que tout homme vivant, désireux de combattre et de se mesurer à d’autres, fût-il le plus noble et le plus brave de tous, trouvera toujours en moi son homme. Je veux savoir de vous, puisque vous êtes armés, où vous avez fait ces prisonniers que vous traînez derrière vous, à leur si grande honte. Sont-ce des marchands, ou des bourgeois ou des paysans[1] ? » « Non, » dit ce méchant chien[2], « ce sont des vassaux de naissance. L’un d’eux est Guillaume d’Orange : un autre Bertran, le fils de sa sœur, vaillant guerrier et chevalier, Bernard et Ernaud[3]. » Quand Élie entendit ces paroles, du plus profond de son cœur il soupira de douleur : « Que dis-tu, » dit-il, « diable incarné ? Est-ce vrai que c’est là sire Guillaume et Bertran, son neveu, Bernard et Ernaud[4], leur compagnon ? Chien maudit, c’est bien imprudent à toi d’avoir mis la main sur eux, car, je le jure par la sainte foi que je porte à Dieu, tu auras payé cher tout cela quand nous nous séparerons. » Aussitôt Élie éperonna son cheval rapide, et, quand ils se rencontrèrent, il

  1. A rois : omis dans D.
  2. B Rodeant ; C Rodoant.
  3. A B C omettent ces deux noms.
  4. A Bernald et Arnald.