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la saga d’élie

l’apôtre de Rome, je veux sur le champ le faire chevalier. » Aussitôt le duc appela Salatré, son écuyer, et lui dit : « Apporte-moi mes[1] meilleures armes et mon meilleur équipement : je veux sur l’heure, armer mon fils chevalier ; et, à l’instant, dans la plaine, près de Darbes, notre château-fort, fais dresser le poteau d’attaque, et fais y attacher les écus et la brogne. Je veux, devant ces princes, ces chevaliers et tous les habitants de la ville, hommes et femmes, éprouver la vaillance de mon fils et voir s’il sait exécuter une action héroïque et s’il est vraiment brave. » Quand le duc eut dit cela, plus de cent chevaliers partirent, tous revêtus de bonnes robes de velours ; et ils dressèrent le poteau avec les deux écus et une brogne blanche. Élie, dans la salle où il était, se couvrit d’une quadruple brogne et d’un heaume doré. Le vieux duc vint le trouver et le ceignit d’une bonne épée, et lui donna la colée avec une si grande force qu’il l’en fit chanceler et qu’il tomba presque à terre. Tout l’entourage du duc se mit à rire de ce que le coup était si fort ; Élie le trouva mauvais, il n’en voulut rien dire, mais il parla bas entre ses dents : « Tu es méchant et félon, vieux ! Par la foi que je dois offrir à Dieu[2], si tu n’étais pas mon père, tu paierais cher ce coup-là. »

(IV)

Il est connu de tous[3], et chacun a entendu dire que lorsqu’un chevalier prend les armes pour la première fois, les jeunes gens se montrent hardis et se réjouissent de voir comment il se comportera. Ainsi firent tous ceux qui étaient venus là en ce jour. Quand Élie monta à cheval, tout le peuple accourut autour de lui pour le voir, comme si aucun d’eux ne l’avait jamais vu jusque-là. Tous ceux qui le virent prièrent Dieu de défendre son

  1. C B D mon meilleur équipement.
  2. D ajoute : Je rendrais ce coup traître sur la nuque à tout autre qui me t’eût donné, et.
  3. B D toutes gens.