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et prétendent que ces mots sont inintelligibles. Or, qu’expriment-ils, en réalité ? deux conceptions essentiellement différentes sur l’ensemble des êtres : l’une, qui considère le monde comme la création d’un Dieu doué de l’intelligence absolue, et l’homme comme un être libre remplissant la fonction morale que Dieu lui a assignée ; l’autre, qui ne fait de l’univers qu’une combinaison d’atomes mus suivant des lois nécessaires, et n’attribue à l’homme d’autre but que son intérêt égoïste. Or évidemment, selon que l’on se placera à l’un de ces points de vue ou à l’autre, on concevra d’une manière tout à fait différente non-seulement les sciences relatives à l’homme, mais aussi celles qui concernent la nature ; car, dans la nature aussi, les uns chercheront l’intelligence créatrice, tandis que les autres ne verront que le pur hasard. La thèse de M. Mannequin n’est donc applicable à aucune science, et moins encore à l’économie politique qu’aux sciences physiques. C’est d’ailleurs ce qu’ont parfaitement prouvé MM. Jules Simon, Laboulaye, Renouard et Wolowski. Une seconde question, plus directement économique, posait un problème qui, d’habitude, est résolu d’emblée dans les publications officielles. Presque toujours, en effet, on a présente la cherté croissante de toutes choses comme la preuve d’un grand accroissement des richesses. La société d’économie politique a donc pu se demander si l’accroissement des prix était un signe de prospérité générale. Tous les orateurs ont répondu la même chose ; tous ont déclaré que l’accroissement des prix pouvait provenir de mille causes diverses, les unes avantageuses et les autres funestes, et que jamais cet accroissement ne pouvait être considéré par lui-même comme un signe de prospérité. Enfin, la société a discuté la question des races : quelle est l’influence de la race sur les libertés économiques ? Ainsi posée, cette question ne pouvait conduire à des conclusions très-positives. La plupart des orateurs se sont accordés à déclarer que toutes les races étaient capables de la liberté économique, et qu’elles y trouveraient toutes des avantages. Nous ne terminerons pas cette notice sur la société d’économie politique sans dire qu’elle a perdu cette année un de ses fondateurs et de ses membres les plus assidus, M. Guillaumin, qui avait mieux mérité de l’économie politique que maint écrivain, en fondant la librairie qui est devenue le centre français et même européen des études économiques. M. Guillaumin est mort profondément regretté, le 15 décembre 1864, à l’âge de 63 ans.A. Ott.


EGYPTE. — Vice-roi, Ismail-Pacha, depuis le 18 Janvier 1863. — Consul general de France a Alexandrie, M. Outrey. — L’figypte a recu de si edatants privileges, son sol est si fertile, sa si- gcuse, qu’elle vit, qu’elle marche malgre les cau- ses d’abaissement et de ruinc qui la paralysent depuis des siecles. Le fellah, qui est Fagriculteur egyptien, n’aetejusqu’a present qu’une espece de bete de sommc, qu’une machine a corvees eta im- pels. On se preoecupe maintenant d’ameiiorer son sort ;• quelques mesures utiles ont (He" prises dans ce but; mais il rcste encore presque tout a faire. L’Egypte ne sera richc et heureuse que quand le fellah sera devenu libre en devenant proprie- tairc en vertu de titresqui le mettront a Fabri de tous les abus du pouvoir. Quant a present, bien peu de fellahs sont se’rieusement proprie*taires. La famille de Mehemet-Ali est maitresse, a elle seule, des deux huitiemes des terres cultivables ; les mos- que*cs et autres etablissements religieux en deticn- nent encore une etendue considerable quoique M6- s h6met-Ali les ait en par tie d6p6uilleV, les autres proprie*taires marquants sont les priviUgie"s, pres- que tous de race turque, cfui ont recu du fondateur de la dynastic etde ses successeurs les territoires les plus fertiles de cette figypte si dechue, dont on n’exploite aujourd’hui qu’un dixieme environ. Le fellah nepossede pas meme ses deux bras, puis- que le vice-roi peut, quand il lui plait, le faire apprehender pour la corvee gratuitc. Le gouvernement personnel n’est pas sans incon- v6nients, meme en figypte ; il y en a meme de tres- grands: il faut reconnaitre ne*anmoins, que les qua- lite*s d’administrateur dont le vice-roi avait donne* tant de preuves dans le maniement de ses propres affaires, n’ont pas et6 sans utilite* pour le pays. Is- mail-Pacha s’est efforce d’introduire de Fordre dans le gouvernement; II a organise la justice, il a un peu releve* Finstruction publique, tombde si bas sous les deux regncs precedents; mais qui rcste encore dans un etat tout a fait rudimen- taire; il a mis Farmed sur un meilleur pied et a fait payer regulierement les employe’s civils et ’ militaires, dont la solde etait toujours tres-arrieree sous le gouvernement de Said-Pacha ; mais les vice-rois n’auront rien fait tant qu’ils n’auront pas emancipe* les fellahs. Aussi longtemps que cette question sera en suspens , FEgypte n’aura qu’une prosperity d’emprunt, qu’une force apparente; elle portera sur sa tete, grace a Factivite des Euro- peans, une couronne d’or et de perles; mais tout le reste de son corps restera couvert de haillons sordides. II ne faut pas se dissimuler la verite*: si FEgypte est quelque chose, — et ce quclque chose est bien peu, si Fon compare ce qu’elle est avee ce qu’ellc pourrait/ avec ce qu’elle devrait etre, — e’est a nous, occidentaux, qu’elle en est re- devablc, car e’est nous qui la pou’ssons, qui Vox- citons, qui la soliicitons, qui lui imprimons le mouvement et lui donnons la vie. La production suit, comme nos efforts, une marche ascendante, et le fellah n’a pas ralcnti son travail, malgr6 les souffrances qu’il a endurees tuation geographique si merveilleusement avanta- , depuis quelques ann6es a la suite des inondations,