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en évitant la sécheresse, à enchaîner rigoureusement tous les principes, toutes les lois du mouvement économique, tel que le manifeste notre société. Comme l’indique le titre de la partie théorique, l’économie politique constitue, pour l’auteur, la science des richesses, et, avec la plupart des économistes modernes, il admet que l’économie sociale n’a pas de relation directe avec la morale et le droit, qu’elle est la science de ce qui est et peut être, et non de ce qui doit être. Nous ne saurions partager son avis sous ce rapport. Quoi qu’il en soit, l’état de richesse d’une société dépend de la somme de richesse qu’elle produit et qu’elle consomme habituellement et du chiffre de la population ; et l’état de richesse de chaque individu dépend des mêmes causes, et, en outre, du système général de distribution des richesses établi dans la société où il vit. De là les subdivisions générales de la première partie : la théorie de la production et de la consommation des richesses, et celle de leur distribution.

Nous ne pouvons suivre l’auteur dans l’analyse intéressante du mouvement économique et des combinaisons diverses qui résultent de l’action réciproque de la production, de la consommation et du chiffre de la population. Mais nous devons signaler dans sa théorie de la production : les considérations nouvelles sur l’invention et les progrès de l’art industriel et sur l’influence qu’ils exercent, non-seulement sur la production, mais sur la capitalisation, la rente, la population ; le jeu opposé des causes qui tendent à restreindre l’essor de la population et de celles qui le développent (loi restrictive et loi expansive) et le rôle exact de chacune d’elles ; la formule de la population, dont le maximum possible répond à la somme des revenus annuels d’une société divisée par la quantité de richesses dont la consommation est indispensable à un individu pour vivre, formule rigoureusement exacte, dont l’auteur donne l’expression mathématique, et d’où il résulte que celui qui consomme plus que sa part dans le produit total, porte indirectement obstacle l’accroissement de la population ; les obstacles naturels qu’éprouve la capitalisation, qui n’est pas toujours indéfinie, comme on le suppose généralement ; enfin une opinion paradoxale que nous ne saurions admettre, quoique l’auteur en tire grand parti, savoir, que l’épargne constitue une sorte de travail. En abordant la théorie de la distribution, l’auteur pose une distinction importante, sur tout par la manière neuve dont il la formule et par les conséquences nombreuses qu’il en déduit. Quel que soit le système social, la distribution se fait, ou bien par la liberté, quand l’individu dispose souverainement de son travail et d’une portion de capital, ou bien par autorité, quand la disposition du travail de l’individu et les richesses nécessaires à sa consommation appartiennent à autrui. La distribution par la liberté est celle qui se fait par l’échange ; la distribution a lieu par autorité pour le travail des employés et fonctionnaires de l’État, pour celui des ouvriers des entreprises industrielles ordinaires ; l’État social offre constamment une combinaison des deux modes de distribution, et il serait à peu près impossible de se borner exclusivement à un seul d’entre eux. Dans une série de chapitres très-remarquables, l’auteur examine les conséquences économiques de ces deux systèmes, et les avantages et inconvénients qui résultent de leur application ; il se prononce en faveur de l’extension la plus grande du système de la liberté, sans se dissimuler néanmoins ses défauts et en constatant parfaitement les effets funestes que la concurrence produit en certains cas. Il insiste, du reste, sur un point que les économistes oublient trop, savoir, que, même sous le régime le plus entier de l’échange, chaque producteur et échangiste remplit, dans l’organisme économique, une véritable fonction sociale. La seconde partie, ou l’Ergonomie, poursuivant ces données générales, s’occupe des attributions du gouvernement et de celles des particuliers. Ici viennent toutes les questions pratiques d’intérêt général, celles qui concernent la propriété, les successions, les contrats, la police, les impôts, le choix des professions, la gestion des entreprises industrielles, le crédit, etc. La partie la plus neuve de ce volume est, sans contredit, celle où l’auteur traite du rôle de la famille dans le mouvement économique et de la position des diverses classes de la société. L’Ergonomie se termine par un livre consacré aux déplacements d’hommes et aux colonies, dans lequel on trouve des chapitres très-intéressants sur l’émigration et la colonisation et des renseignements curieux sur les sociétés hispano-américaines, que l’auteur a pu étudier de visu.

Après l’ouvrage de M. Courcelle-Seneuil, les travaux les plus dignes d’attention sont ceux de M. Rondelet, professeur à la faculté des lettres de Clermont-Ferrand, du Spiritualisme en économie politique ; et de M. Dameth, professeur à l’Académie de Genève, le Juste et l’Utile, L’Académie des sciences morales et politiques avait mis au concours la question suivante : Déterminer les rapports de la morale avec l’économie politique ; mais, au dire de l’honorable rapporteur, M. Dunoyer, aucun des concurrents n’avait compris la véritable intention de l’Académie et tous avaient traité la question des rapports de l’économie politique avec la morale, ce qui paraît être bien différent, quoique nous ayons quelque peine à saisir la distinction. Quoi qu’il en soit, l’Académie ne jugea pas devoir décerner le prix et elle se contenta d’accorder trois médailles, la première à M. Baudrillart, qui n’a pas encore publié son mémoire, et les deux autres à MM. Rondelet et Dameth pour les ouvrages cités. Ces messieurs reconnaissent tous deux que la justice est vivement