Page:Annuaire des deux mondes, 1852-1853.djvu/98

Cette page n’a pas encore été corrigée

traînée par huit chevaux, la môme qui avait servi au sacre de Napoléon et de Joséphine, ayant à la portière de droite le maréchal de France grand écuyer de l’empereur et le général commandant la garde nationale de Paris, à la portière de gauche le maréchal de France grand veneur et le premier écuyer. L’état-major général de l’armée de Paris escortait le couple impérial. Une division de grosse cavalerie fermait le cortège, qui était précédé par un escadron du nouveau régiment des guides. — C’est l’archevêque de Paris qui officiait à Notre-Dame, au milieu des cardinaux et d’un grand nombre d’évêques. Quinze mille bougies éclairaient cette solennité, que termina une messe en musique. L’église était remplie jusqu’aux combles.

Dans les rues, comme dans l’église, le sentiment qui dominait tous les autres, c’était celui de la curiosité. On songeait par-dessus tout à contempler les traits de l’héroïne du roman qui venait de s’accomplir ; on voulait juger des attraits qui avaient pu, dans une jeune personne étrangère, charmer les yeux de l’héritier du trône de l’empereur et mériter la couronne de diamant des reines de France. Le discours du 22 janvier, qui avait été critiqué dans plusieurs passages par les classes lettrées, avait, il faut le dire, laissé des impressions favorables parmi les classes populaires, et c’est de ce côté que la curiosité prit la physionomie la plus vive et la plus animée. Le soir, les illuminations eurent le même caractère que dans toutes les fêtes qui avaient précédé, elles furent nombreuses principalement dans les quartiers du petit commerce. Une amnistie, qui s’étendait sur environ trois mille condamnés pour délits politiques, vint d’ailleurs ajouter à l’éclat de ces fêtes.

Ainsi s’était accompli le grave événement qui complétait le rétablissement de l’empire. Dans l’espace de deux mois, la France avait vu coup sur coup un nouvel empereur proclamé sur les ruines de la seconde république, la constitution accommodée à cette forme de gouvernement, et le mariage de l’empereur. On sait quel rôle historique l’imprévu avait joué dans les vicissitudes qui avaient mis aux mains de Napoléon III le pouvoir suprême ; l’imprévu était venu encore une fois couronner cet enchaînement de circonstances qui avaient ramené la France au système impérial. Le peuple s’accoutumait de plus en plus à se voir conduit par la libre résolution d’un seul ; l’opposition se réfugiait dans des épigrammes anonymes que la société parisienne écoutait volontiers, mais dont le pays soupçonnait à peine l’existence. Les partis d’ailleurs ne conservaient aucun moyen de faire connaître leurs opinions et d’agir.

Le rétablissement de l’empire avait été cependant, pour la fraction extrême du parti républicain, l’occasion de manifestes violons, mais en définitive si peu dangereux à cause de leur exagération même,