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La double communication par laquelle le ministère français notifia, dès le 2 décembre, aux agens des puissances à Paris et à ces puissances elles-mêmes la proclamation officiellement accomplie de l’empire, était conçue dans le même esprit que le discours impérial du 1er décembre aux grands corps de l’état. La circulaire aux ministres accrédités en France, devenue publique, en a fourni la preuve. On y lisait cette déclaration de principes formulée avec non moins de force que de netteté :

« Si la France se choisit un gouvernement plus approprié à ses mœurs, à ses traditions et à la place qu’elle occupe dans le monde, si ses intérêts trouvent dans un retour à la monarchie la garantie qui leur manquait, il n’y a rien là qui puisse changer son attitude extérieure. L’empereur reconnaît et approuve tout ce que le président de la république a reconnu et approuvé depuis quatre ans. La même main, la même pensée continueront de régir les destinées de la France. Une expérience accomplie dans les circonstances les plus difficiles a suffisamment prouvé que le gouvernement français, jaloux de ses droits, respectait également ceux des autres, et attachait le plus grand prix à contribuer pour sa part au maintien de la paix générale. C’est à ce but que tendront toujours les efforts du gouvernement de l’empereur des Français, qui a la ferme confiance que, ses intentions se trouvant en parfait accord avec les sentimens des autres souverains, le repos du monde sera assuré. »

Le discours de l’empereur et cette notification officielle devaient beaucoup contribuer à aplanir les difficultés que suscitaient à la fois les pensées entreprenantes attribuées au nouveau souverain de la France et l’atteinte implicite que son avènement portait aux traités de 1815. Plusieurs cabinets n’avaient attendu ni ce discours ni cette circulaire pour reconnaître que le titre de Napoléon III, tout en montrant de la part de la France la pensée de renouer plus étroitement la chaîne des souvenirs impérialistes, ne cachait aucune pensée hostile, aucun projet d’envahissement et de conquête. Parmi ces cabinets se distinguait celui de Londres, que pourtant les trois grandes cours du continent eussent bien vivement désiré entraîner, en qualité de signataire des traités de 1814 et 1815, dans le système d’entente qu’elles avaient combiné.

Concerter les termes dans lesquels le nouvel empire serait reconnu, voilà eu effet en quoi parait avoir consisté principalement la ligne de conduite tenue par la Russie, l’Autriche et la Prusse dans la question de la reconnaissance. On savait ou plutôt on pressentait nettement qu’à l’époque où le tsar était venu visiter l’empereur d’Autriche et le roi de Prusse, au mois de mai 1852, au moment même de la distribution des aigles à l’armée française, les trois cours avaient dû s’entretenir de l’éventualité du l’établissement de l’empire en France, et sans connaître les dispositions qui avaient pu être arrêtées