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revue les troupes stationnées dans la cour des Tuileries et sur la place du Carrousel. Après cette revue, suivi des généraux qui formaient son cortège, il monta dans les grands appartemens du palais, où il était attendu par le prince Jérôme, le prince Napoléon, les autres membres de sa famille et ses ministres. Abd-el-Kader était de son côté revenu d’Amboise pour se rendre aux Tuileries et y féliciter son libérateur. Enfin, pendant que l’empereur se montrait à la foule au balcon du palais, le ministre de la guerre lisait à l’armée, et celui de l’intérieur à la garde nationale, la proclamation de l’empire. Le matin, à dix heures, le préfet de la Seine avait fait solennellement la même lecture au peuple assemblé devant l’Hôtel de Ville. Le soir, les édifices publics furent illuminés avec pompe, ainsi qu’un certain nombre de maisons particulières, principalement dans les rues commerçantes et dans les quartiers populaires.

L’empire une fois voté par le sénat et consacré par le suffrage universel, une question aussi délicate que grave restait encore à résoudre : serait-il reconnu par les gouvernemens étrangers aussi facilement qu’il avait été accepté par la France ? Depuis que le rétablissement de la monarchie impériale dans la famille de l’empereur Napoléon était devenu probable, l’Europe avait témoigné des sentimens divers qui n’avaient pu échapper à l’attention du cabinet français. Tandis qu’en Angleterre le regret de l’échec éprouvé par le système parlementaire le 2 décembre 1851 avait dominé originairement toute autre considération, les gouvernemens du continent n’avaient vu d’abord dans cet événement qu’un coup redoutable porté au radicalisme politique, un service immense rendu aux monarchies. C’est ainsi notamment que l’acte du 2 décembre avait été apprécié en Autriche. On se souvient des démarches que le ministre, placé alors à la tête de l’administration de ce pays, le prince Schwarzenberg, crut devoir faire auprès des autres cabinets du continent, pour leur communiquer cette manière de voir. La Russie et la Prusse, sans avoir à redouter au même degré que l’Autriche les atteintes de la révolution projetée pour 1852, sentaient trop bien que tous les gouvernemens monarchiques étaient solidaires en présence de la solidarité proclamée par les radicaux, pour ne point entrer, à l’égard du coup d’état, dans des vues analogues à celles de l’Autriche. Si donc les puissances constitutionnelles avaient d’abord montré une attitude réservée vis-à-vis du nouveau pouvoir qui s’était établi en France sur les débris du système parlementaire, les puissances monarchiques avaient au contraire applaudi instinctivement à l’initiative prise par le prince Louis-Napoléon pour prévenir les chances d’une révolution qui ne pouvait manquer d’être européenne.

Cette situation toutefois s’était peu à peu modifiée, principalement