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Le 1er décembre, à huit heures du soir, par un brouillard épais qui enveloppait toute la ville, les trois grands corps de l’état se rendirent, escortés et à la lueur des torches, au palais de Saint-Cloud pour faire connaître officiellement au prince Louis-Napoléon le résultat du vote et pour être les premiers à le saluer du nom d’empereur. Le cérémonial monarchique présida à cette solennité. Un trône avait été dressé sur une estrade au fond de la grande galerie. A neuf heures moins un quart, le nouvel empereur s’y rendit accompagné du prince Jérôme et du prince Napoléon, précédé de ses maîtres des cérémonies, de ses aides de camp, de ses officiers d’ordonnance, et suivi de ses ministres ainsi que de M. Baroche, vice-président du conseil d’état et membre du conseil des ministres. Les conseillers d’état étaient rangés derrière le trône ; la maison militaire de l’empereur avait pris place un peu en avant. L’empereur, ayant à sa droite le prince Jérôme, à sa gauche le prince Napoléon et derrière lui tous ses ministres, se plaça en avant du trône. Alors M. Billault s’avança pour déposer dans les mains de l’empereur, après un discours où respirait le plus vif dévouement, la déclaration du corps législatif constatant le recensement général des votes et l’adoption du plébiscite soumis à l’acceptation du peuple. Le premier vice-président du sénat, M. Mesnard, par la ensuite au nom du sénat en termes non moins chaleureux. Ce que les grands corps de l’état, ce que le pays attendait avec curiosité, c’étaient beaucoup moins les expressions d’un empressement qui n’était pas douteux que les sentimens avec lesquels l’empereur allait accepter la couronne, le langage qu’il allait adresser à la France et à l’Europe attentives.

« Le nouveau règne que vous inaugurez aujourd’hui, dit Napoléon III, n’a pas pour origine, comme tant d’autres dans l’histoire, la violence, la conquête ou la ruse. Il est, vous venez de le déclarer, le résultat légal de la volonté de tout un peuple, qui consolide au milieu du calme ce qu’il avait fondé au sein des agitations. Je suis pénétré de reconnaissance envers la nation, qui trois fois en quatre années m’a soutenu de ses suffrages, et chaque fois n’a augmenté sa majorité que pour accroître mon pouvoir.

« Mais plus le pouvoir gagne en étendue et en force vitale, plus il a besoin d’hommes éclairés comme ceux qui m’entourent chaque jour, d’hommes indépendant comme ceux auxquels je m’adresse, pour m’aider de leurs conseils, pour ramener mon autorité dans de justes limites, si elle pouvait s’en écarter jamais.

« Je prends dès aujourd’hui, avec la couronne, le nom de Napoléon III, parce que la logique du peuple me l’a déjà donné dans ses acclamations, parce que le sénat l’a proposé légalement, et parce que la nation entière l’a ratifié.

« Est-ce à dire cependant qu’en acceptant ce titre, je tombe dans l’erreur reprochée au prince qui, revenant de l’exil, déclara nul et non avenu tout ce qui s’était fait en son absence ? Loin de moi un semblable égarement. Non-seulement