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sont les conquêtes que je médite, et vous tous qui m’entourez, qui voulez comme moi le bien de votre patrie, vous êtes mes soldats. »

L’effet produit par ce discours fut de décider définitivement l’opinion en faveur de l’empire. Déjà depuis un mois les adresses affluaient de toutes les communes de France pour demander la consolidation ou plutôt la transformation de l’autorité présidentielle. Paris, qui cette fois n’avait point eu le privilège de donner l’impulsion à la France, ne songea pas du moins à y faire obstacle. Voulant au contraire montrer, par des témoignages suffîsans, qu’il acceptait un gouvernement préparé cette fois bons de son sein, il résolut d’accueillir le futur empereur avec une magnificence en rapport avec les ovations qui lui avaient été décernées par les départemens du midi. L’armée de Paris tout entière, la garde nationale, furent appelées à donner à cette fête son principal éclat. Des arcs de triomphe élevés les uns par l’administration municipale, les autres par la direction des théâtres de Paris, d’autres enfin par des dévouemens privés, se dressaient sur le chemin que le prince devait parcourir, depuis l’entrée du pont d’Austerlitz jusqu’à la grille des Tuileries, en suivant la ligne des boulevards. Des députations de toutes les industries de Paris, les enfans des écoles gratuites et municipales, ceux des collèges avec leurs professeurs, la magistrature, le clergé, assistaient en corps, à côté de la garde nationale et de l’armée, à cette solennité qui avait tout le caractère d’un grave événement. Le soir, les édifices publics furent illuminés, et dans les divers quartiers, surtout dans ceux du commerce, un certain nombre de magasins ou d’établissemens particuliers s’associèrent à cette manifestation.

A la fin de cette journée, on aurait pu dire avec raison que l’empire était fait ; ce n’était plus du moins un problème. Sans doute la constitution exigeait que le sénat fût consulté, aucun changement essentiel ne pouvait être admis dans la loi fondamentale sans que ce corps eût prononcé sur l’équité et la convenance d’une pareille innovation ; mais il n’y avait pas à douter que le sénat n’accueillit avec le plus grand empressement un principe qui avait pour objet de consolider le gouvernement sur lequel reposait l’existence du sénat lui-même. Il était néanmoins curieux de voir dans quelle forme l’événement prévu allait s’accomplir, quel sens particulier le sénat donnerait à cette nouvelle et radicale transformation de la république ; les considérations générales et philosophiques sur lesquelles il étaierait ce retour à une forme de gouvernement glorieuse, mais qui, par son nom seul, semble exclure l’idée de la liberté politique. Ces souvenirs glorieux, qui étaient le côté par lequel le rétablissement de l’empire plaisait à la France, avaient aux yeux de l’Europe des inconvéniens.