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étaient accourues pour contempler le spectacle qui s’offrait pour la première fois à leurs yeux, témoignant par des acclamations répétées des sentimens qui les animaient à la seule vue de ce convoi, qui aussi lot aperçu échappait à leurs regards. Le prince-président s’arrêta successivement à Meaux, à Château-Thierry, Dormans, Epernay, Châlons-sur-Marne, Vitry-le-François, Bar-le-Duc, Commercy, Foug, Toul et Nancy. Toutes ces stations furent parcourues en une journée : celle de Nancy était la plus importante qu’on dût rencontrer avant d’atteindre à Strasbourg. Le prince-président reçut, dans la capitale de l’ancienne Lorraine, des hommages empressés et des marques non équivoques de sympathie. La fête magnifique qui lui avait été préparée empruntait un nouvel éclat à la présence du lieutenant-général Hirschfeld, commandant en chef les forces prussiennes dans les provinces rhénanes, et des aides de camp investis par le roi de Prusse de la mission de venir féliciter le prince-président de la république.

Le 18 au matin, le prince quitta Nancy pour se rendre à Strasbourg. A Lunéville, à Sarrebourg, à Lützelbourg, à Saverne et à toutes les stations qui séparent cette localité de l’ancienne capitale de l’Alsace, malgré les intempéries de l’air, l’empressement des populations ne se ralentit point. C’est à Strasbourg surtout que se déploya la faveur populaire. Les autorités civiles et militaires et l’administration du chemin de fer n’avaient rien négligé pour donner tout l’éclat possible à cette fête à la fois industrielle et politique. Sur une estrade qui s’offrait d’abord aux regards entre des mâts où flottaient des bannières, on lisait ces inscriptions : A Louis-Napoléon l’Alsace reconnaissante ; — Tous les peuples se donnent la main ; — Route des Alpes à la Mer du Nord ; — Route des Alpes à la mer Baltique. Le maire et l’évêque de Strasbourg se chargèrent de complimenter le prince dans des discours qui respiraient un entier dévouement, un enthousiasme absolu. L’incident le plus remarquable que présenta cette journée fut toutefois la manifestation populaire que les paysans de l’Alsace avaient ménagée au neveu de l’empereur. Cent vingt voitures attelées de quatre, six ou huit chevaux, venues de tous les points du département, portant des jeunes filles sous des berceaux de fleurs et escortées par un certain nombre de cavaliers revêtus des costumes les plus variés, défilèrent devant le prince-président. Le cri de la foule était presque exclusivement celui de vive Napoléon ! L’on n’entendait plus celui de vive la république ! devenu factieux sous la république même ; mais celui de vive l’empereur ! qui allait bientôt accompagner le prince-président durant tout son voyage du midi, n’était encore qu’exceptionnel. Les envoyés des princes allemands voisins de la frontière française et les envoyés français auprès de ces princes étaient venus rejoindre à Strasbourg ceux du roi de Prusse,