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M. de Chasseloup-Laubat, ancien ministre de la marine, fut chargé du rapport de la commission législative nommée pour l’examen du budget des dépenses. Le projet du gouvernement demandait pour le service ordinaire 1,409,603,024 francs, et 79,738,334 francs pour les travaux publics, en tout 1,489,341,358 francs. Il évaluait les recettes à 1,446,129,431 francs. Le rapporteur exposa, suivant l’usage, les opinions diverses qui s’étaient produites au sein de la commission, et le fit, non sans laisser voir quelques intentions d’opposition ; il montrait quelque inquiétude à la vue du déficit de 40 millions qu’annonçait le projet du gouvernement, malgré la diminution de dépenses résultant de la conversion du 5 pour 100 (environ 18 millions). Cette situation, suivant M. de Chasseloup-Laubat, méritait d’autant plus de fixer l’attention du corps législatif et celle du gouvernement, que l’on faisait figurer dans les recettes pour 1853 40,872,635 francs, provenant de remboursemens des compagnies de chemins de fer, — ressources extraordinaires, — et que d’un autre côté 78 millions, montant du fonds d’amortissement, restaient, selon les pratiques adoptées en 1848, détournés de leur destination primitive. Le gouvernement comptait, comme chaque année, sur de nombreuses annulations de crédits qui devaient, de son point de vue, contrebalancer à peu près le déficit ; mais la commission ne partageait pas cette confiance, et elle n’évaluait pas à plus de 20 millions les annulations que l’on pouvait légitimement espérer. Enfin la commission montrait quelque inquiétude en présence d’une dette flottante qui ne cesse pas de s’accroître depuis longtemps déjà. Au 1er avril 1852, elle s’élevait à 630 millions, auxquels allaient venir s’ajouter 74,705,600 francs pour les remboursemens demandés par suite de la conversion, et 65,985,000 francs, montant des découverts de 1852. M. de Chasseloup-Laubat portait à 770 millions le chiffre auquel atteindrait, au 31 décembre 1852, la dette flottante, si rien ne venait d’ici là en diminuer le poids. Le rapporteur de la commission se hâtait d’ajouter qu’avec ses admirables ressources, la France pouvait envisager sans crainte cette situation. « Il ne faut pas oublier, disait-il, que si depuis 1848 elle a augmenté quelques impôts, elle a vu aussi diminuer de 27 millions l’impôt foncier ; qu’elle a abandonné les deux tiers de l’impôt du sel, enfin qu’elle saurait, en cas de besoin, se créer de nouveaux revenus. » Cependant cette situation devait être pour le corps législatif un sujet de méditations sérieuses ; ce devait être pour le gouvernement un motif d’apporter, autant que possible, de sages économies dans les dépenses, et pour le pays d’accepter avec résignation les sacrifices qu’il pourrait devenir nécessaire de lui demander pour combler les déficits ouverts par nos bouleversemens politiques.