Page:Annuaire des deux mondes, 1852-1853.djvu/52

Cette page n’a pas encore été corrigée

quoi qu’on vous en dise, ne sera aussi, elle, dépourvue ni de grandeur ni d’autorité. Nous n’aurons plus, il est vrai, autour de l’urne législative, toutes les évolutions des partis tenant sans cesse le ministère en échec, le forçant de s’absorber en un soin unique, celui de sa défense, et n’aboutissant trop souvent qu’à énerver le pouvoir. Tout le temps que, ministres ou députés, nous donnions à cette stratégie parlementaire, c’est aux affairés maintenant qu’il faudra le consacrer : les affaires sérieuses, pratiques, voilà notre but dans la constitution. Ce qu’elle nous donne, c’est le vote de l’impôt, la discussion du budget, celle de toutes les lois. Ce n’est pas seulement le droit de délibérer librement, publiquement, d’adopter ou de rejeter, c’est aussi celui d’amender, non plus sans doute avec cette facilité d’improvisation contre laquelle les assemblées antérieures cherchaient vainement à se défendre, mais avec cette maturité qui n’est funeste qu’aux utopies. » Dans de telles attributions, M ; Billault voyait encore une grande et véritable puissance. Il conseillait à ses collègues d’en user sensément, sans arrière-pensée, avec une loyale fidélité au sentiment électoral qui les avait choisis, « Unis dans le saint amour du pays, ajoutait-il en terminant, donnons au monde le spectacle, non plus d’une réunion d’hommes passionnés qui s’agitent, mais d’une véritable assemblée de législateurs, statuant, calmes et graves comme la loi elle-même, sur les grands intérêts qui leur sont soumis. «

Ce discours fut suivi de la lecture d’une lettre collective du général Cavaignac et de MM. Carnot et Hénon, députés républicains, élus, les deux premiers à Paris, le troisième à Lyon. « Les électeurs de Paris et de Lyon étaient venus, disaient les trois signataires de cette lettre, les chercher dans la retraite ou dans l’exil. Ils les remerciaient d’avoir pensé que leurs noms protestaient d’eux-mêmes contre la destruction des libertés publiques et les rigueurs de l’arbitraire ; mais ils n’admettaient pas qu’on eut voulu les envoyer siéger dans un corps législatif dont les pouvoirs ne s’étendaient point jusqu’à réparer les violations du droit. Ils repoussaient la théorie immorale des réticences et des arrière-pensées, et refusaient le serment exigé à l’entrée du corps législatif. » Par le fait de ce refus de serment, MM. Cavaignac, Carnot et Hénon étaient déclarés démissionnaires.

Le corps législatif ne pouvait donner le spectacle de ces débats animés qui naguère intéressaient si vivement l’opinion. Plus de questions politiques livrées à l’appréciation animée des partis, plus d’interpellations brûlantes adressées aux dépositaires des portefeuilles ministériels. Entre le corps législatif et le pouvoir, un rouage intermédiaire avait été institué pour prévenir les frottemens, autrefois si vifs, des deux pouvoirs, — le nouveau conseil d’état, organe irresponsable du président de la république, — et les questions de finances